Jeudi dernier, je m’apprêtais à faire les premières
vaccinations de la matinée hebdomadaire consacrée à cela, une matinée assez
tranquille qui s’annonçait. Une réunion avec la mutuelle pour négocier un accord
de partenariat…
Quand tout à coup, tout a basculé en deux minutes.
Un jeune garçon arrive en état proche du coma, en gémissant
et ne répondant à aucune stimulation, porté par son oncle, notre gardien. Sa
grand-mère qui l’accompagne nous narre qu’il a de la fièvre depuis 5 jours,
qu’il a 8 ans, qu’ils ne sont pas venus consulter avant par faute de moyens
financiers.
Je lui fais le test de dépistage du palu (TDR) qui, en
quelques minutes vire au positif +++.
Etant ictérique et pâle à la fois, j’en déduis que ce sont
les conséquences du palu ; diagnostic confirmé par le médecin, crise grave
de paludisme. Il nécessite une hospitalisation sur le champ car dans quelques
heures il risque de ne plus être de ce monde sans traitement. A cette annonce,
la grand-mère nous dit : « non, il n’y aura pas d’hospitalisation car
nous n’avons pas d’argent ».
Mon sang n’a fait
qu’un tour et mes tripes se sont exprimées avant même que je réfléchisse :
« nous partons à l’hôpital immédiatement et nous prendrons en charge cette
hospitalisation ! »
S’ensuit dans une grande rapidité un départ avec notre
voiture, conduite comme une ambulance sur la route cabossée qui mène à l’hôpital ;
le petit installé sur sa grand-mère, ses jambes sur mes genoux, avec des packs
de glace pour lui faire descendre la fièvre (et un suppo de paracétamol avant
de partir tout de même !).
En arrivant, je m’attends, crédule que je suis, à ce que
devant l’urgence de la situation, la prise en charge soit immédiate ou presque.
Quelle ne fut pas ma surprise !
Je vous le dis, j’ai fait l’expérience du dicton qu’il vaut
mieux être riche et en bonne santé ici!!
Tolojanahary, sa grand-mère et notre gardien Samuel, son oncle |
L’enfant à peine déposé sur une table d’examen en pédiatrie,
les 7 internes et externes autour de lui, lui gémissant ; personne pour le
toucher, lui parler, le rassurer. Je réfrénais mes larmes ;
Je partais acheter un dossier médical, début d’un long
cheminement d’allers et retours avant que l’on daigne s’occuper de lui. Arrivée
à l’accueil, faire la queue, payer…ont été les occupations de ma journée de 10h
à 14h !
Après le dossier, nécessité d’un billet d’hospitalisation :
même démarche.
Puis en revenant en pédiatrie, le service me donne un « billet
doux » de matériel à aller acheter à la pharmacie de l’hôpital :
tubulure, compresses, sérum…
Quoi ? Mais rien n’a été fait pendant mon absence et le
petit continue de gémir tout seul sur la table ? Je repars au pas de course
et passe devant tout le monde à la pharmacie : heureusement, ils avaient
noté URGENT sur l’ordonnance ! Une chance !
Je retourne au service, ils le perfusent…Et se rendent
compte qu’ils ont oublié de prescrire une seringue : ça non plus ils ne l’avaient
pas dans le service. Je retourne à la
pharmacie.
Je reviens et là, ils veulent lui faire un bilan. Lisez bien
car là, il faut en prendre de la graine ! J
Je dois courir au laboratoire externe, montrer l’ordonnance
pour qu’ils me donnent deux tubes et que je règle les analyses. Je reviens au
pas de course à l’hôpital, en jetant à peine un coup d’œil à Tolojanahary, me
voulant être efficace et non dans l’émotionnel. Ils le prélèvent et je retourne
au labo déposer les tubes. Pour les résultats, il faudra revenir dans l’après-midi
(en personne bien entendu).
Niveau optimisation de temps et d’énergie, pertes de chances
pour le patient, ils sont parfaits !
En parallèle de ce temps écoulé, le médecin est allé acheter
au marché noir, le médicament nommé Artesunate injectable, notre Graal à nous
en ce jour, l’antipaludéen injectable. Plus disponible à l’hôpital où il
devrait être dispensé gratuitement, on ne le trouve qu’au marché noir à des
prix variables selon la personne qui vient. Autant dire que notre médecin
malgache m’a gentiment évincé de l’affaire afin de négocier entre malgaches !
Peu importe, j’avais de quoi m’occuper. Le palu ayant
entrainé un ictère et une anémie majeure, ils envisageaient de lui faire une
transfusion. Nouveau moment mythique ! Me voilà repartie dans un autre
lieu de l’hôpital afin de régler une demande de transfusion. Ils m’envoient ensuite
au centre de transfusion que je mets 10 min à trouver car personne ne parle
français pour m’indiquer le chemin.
(Depuis, j’ai appris « gauche » et « droite »,
ça m’aide bien).
On me donne un tube sec, je retourne en pédiatrie. Ils m’envoient
à la pharmacie chercher tubulure, etc. Ben oui, pourquoi ne pas tout faire en
une seule fois, en réfléchissant aux soins qu’ils allaient faire dès le début ?
ça aurait été moins drôle sûrement !
Je repartais au dispensaire en ce début d’après-midi, un peu
plus sereine. Je passais une nuit un peu agitée malgré tout, de peur que les
médicaments donnés ne suffisent pas, qu’il ne s’en sorte pas.
Main de Noé et bébé lézard |
Par chance, une deuxième urgence est survenue le lendemain :
jeune femme de 20 ans présentant anémie, ictère et test de palu positif.
La répétition générale ayant eu lieu la veille et la
patiente présentant un moindre degré d’urgence (effectivement, elle n’avait que
3,4g d’hémoglobine, je l’ai su le lendemain, durant la 1ere transfusion !
Mais elle était consciente et pouvait être debout, en forme quoi !)
Nous avons repris le
chemin de l’hôpital avec elle plus tranquillement, où nous avons pu recommencer
la même chose que la veille. Parfait, je connaissais les lieux et les
démarches.
Je passais voir mon petit patient qui, lui allait très mal.
Fièvre à 42 qui ne baissait pas (je l’ai vu de mes propres yeux), ils ont du
interrompre la transfusion ; ajouter à cela un diagnostic de pneumopathie
surajoutée. Je n’en menais pas large…Le pronostic vital de cet enfant ne s’améliorait
absolument pas.
Après y être allée plusieurs jours d’affilé (même le dimanche
matin à 8h après avoir raccompagnée notre baby-sitter qui avait dormi chez nous),
Tolojanahary est sorti de l’hôpital mercredi dernier, vaillant m’a-ton-dit. Je
ne l’ai pas vu depuis sa sortie mais son oncle m’a remercié, betsaka (« beaucoup),
chaleureusement ; je pense donc qu’il va bien. J’ai demandé à ce qu’il
vienne nous voir ici au dispensaire mais je ne crois pas m’être fait
comprendre.
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