Je partais sans beaucoup d’illusion tant on m’avait dépeint
un pays et une culture qui partaient à vau l’eau.
Il y a peu, le Dr Claire m'a parlé d'une proposition faite par une asso qui envoie des volontaires : rédiger un rapport d'émerveillement après le premier mois de mission.
Vue du dispensaire (maison au toit blanc, pointu) lors d'une balade dans le quartier en face |
J'ai bien aimé cette idée, le voici ci-dessous:
On m’avait dit que les gens étaient paresseux, fainéants
ici ! C’est bien tout le contraire. Tous les travaux au quotidien ici, chez les Betsileo demandent une force et un courage immenses.
On m’avait dit : tu verras, Mada, c’est l’Afrique, on a
l’horloge, ils ont le temps ! Je m’attendais à un rapport au temps qui
allait vite me peser, avec mon côté allemand un peu développé, rigoriste parfois, qui aime être à l’heure !
Pour l’instant, il n’en est rien.
On commence à comprendre qu’un horaire veut à peu près dire
+3h… à plus ou moins un, deux, 3 jours près, ce que l’on a constaté avec les
ouvriers qui sont venus chez nous ! Quand on reste un an et demi, on
relativise, et on reporte à demain. C’est désagréable certes mais on est encore
dans la période où on s’adapte à tout, facilement.
On m’avait dit : Méfie-toi, ils vont chercher à t’avoir
parce que tu es vasaha (étranger).
Avec mon expérience passée au Pérou, j’imaginais devoir négocier âprement pour tout, à être sur la
défensive car je n’aime pas me faire avoir mais il n’en est rien. Certes, les
prix sont régulièrement augmentés avec un vasaha et je le comprends fort bien,
je l’avoue mais lorsque je dis le prix que je connais, ils n’acceptent pas
forcément la transaction et nous repartons chacun de notre côté en souriant,
sans avoir échangé de marchandise.
Lorsque le prix est fixé, je regarde machinalement la
monnaie que l’on me rend mais je n’ai jamais eu de « mauvais »
retour.
On m’avait dit : par rapport au rythme espagnol, ça va
te changer ! C’est vrai !
J’apprécie beaucoup le rythme d’une journée ici : lever
très tôt, coucher tôt par conséquent et peu de bruits dans la ville. Nous
sommes un peu excentrés mais même au centre ville, il ne monte pas de clameur,
de brouhaha jusqu’à 4h du matin!
On me reconnaissait en France comme aimant faire beaucoup de récupération d'objets, de vêtements...du "second hand". C'est vrai, j'aime beaucoup cela mais j'ai tout à apprendre !
Ici, nos "têtes" d'ananas que j'avais mises au compost ont été replantées; toutes les petites bouteilles en plastique que nous jetons en ce moment, provenant des médicaments périmés de la pharmacie sont récupérées et revendues; les boîtes de ces mêmes médicaments sont réutilisées afin de remettre d'autres petits médicaments vendus à l'unité; la notice des médicaments est gardée pour allumer le feu qui cuit les aliments pour le repas; même le papier hygiénique (utilisé) est gardé dans une famille, afin de servir de combustible !
Par ailleurs, il y a encore beaucoup de choses que je ne comprends
pas : ne jamais dire non afin d’éviter un éventuel conflit ; ne pas
prendre d’initiatives en disant « c’est comme ça » ; du coup rien ne
change ; héritage culturel ? Résignation d’un peuple ?
Ma question du moment : face à de
la passivité, à une forme de soumission, que faire pour ne pas devenir côlon
et écraser l’autre ?
ma réponse à l'heure actuelle : trouver des idées pour susciter la coopération, le
faire-ensemble, qui demande une implication de chacun ; et donc des projets qui deviennent les nôtres
si on se les approprie, sans qu’ils soient imposés. Maintenant il reste à
réfléchir au comment faire-ensemble? J
Je vous livre également ce soir, une autre de mes réflexions
de ces temps-ci.
Nous parlons régulièrement avec Noé et Joshua, autour de la
question de la pauvreté. Cette question qui nous touche tous, à laquelle nous
sommes confrontés quotidiennement.
Il y a quelques jours, un jeune garçon est venu nous accoster,
Noé et moi et n’a plus voulu nous
quitter, les yeux jaunes (maladie hépatique probable), souriant timidement…Il
voulait de l’argent, je lui ai demandé son prénom, « Pierrot », il me
demandait à nouveau quelque chose pour manger, je lui demandais son âge, 11
ans.
Noé avait envie de lui donner un billet de 100 Ar qu’il
avait dans sa poche, je le voyais tiraillé. Il voulait tant l’aider. Puis nous
avons du quitter notre compagnon de voyage pour récupérer Joshua, invité à un
anniversaire, dans une belle maison d’une famille malgache de l’école
française ;
deux mondes qui se rencontraient, se heurtaient après cette
entrevue avec Pierrot et cette maison luxueuse qui accueillait mon fils. Joshua
repartait, un petit sac dans la main, avec une grosse part de gâteau
d’anniversaire à nous partager.
En rentrant vers notre voiture, Pierrot nous a rejoints.
J’ai demandé discrètement à l’oreille de Joshua s’il se verrait de donner sa part
de gâteau à notre petit copain de route, lui disant qu’il n’était pas obligé,
c’était seulement s’il avait envie. Joshua a dit : « je l’aurais bien
gardée mais je préfère lui donner ».
Lorsque Pierrot a découvert le gâteau, ses yeux ont pétillé,
il nous a beaucoup remerciés, il est allé s’assoir avec son petit frère, a
partagé la part de gâteau et nous nous sommes salués.
Les enfants comme moi nous sommes passés de commentaire. Je crois
que la vie nous a donné l’expérience
d’une vraie rencontre, l’expérience de la joie du don.
Le sourire délicat de
Pierrot, son merci vont rester gravés en nous.
C’est un bonheur de vous suivre dans cette aventure, grâce à ce blog qui est comme un livre ouvert ou personne ne connaît la suite, même pas les auteurs. Un grand BRAVO à vous pour vivre tout cela malgré les multiples difficultés et embûches. Quelle expérience pour les Chics ouf ! Je ne peux vous souhaiter qu’une bonne continuation et j’attends avec impatiente le prochain chapitre. Christine (ex collègue mamino).
RépondreSupprimerC'est des souvenirs qui seront gravés pour toujours dans leurs coeurs c'est sur !
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